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fond, c’est une profession de foi que je vous fais… et je m’étonne de ne pas vous voir dormir d’un profond sommeil. »

Soudain, Renée eut presque un geste d’effroi en apercevant un groom en culotte courte et frac rouge : blond et pâle, ce groom avait à peine dix ans ou n’en paraissait pas plus, sanglé dans de petites bottes, la chevelure raide, l’œil atone, et portant avec une gravité comique sur un plateau d’argent massif un flacon poudreux, une coupe de Bohême, une tranche de pâté à croûte appétissante.

— Mon Dieu ! quelle créature fantastique, murmura Renée allant de surprise en surprise.

— C’est Largess, mon seul ami, soupira le duc. Je l’ai pris en Angleterre dans une fabrique spéciale. Il est très intelligent et ne me quitte jamais.

Le groom, aussi insensible que si on eût parlé du sultan de Constantinople, se contenta d’avancer le plateau.

— Il ne comprend pas le français ?

— Il ne comprend que le langage qui s’adresse à lui, mademoiselle ?

— Vous êtes anglais ? demanda curieusement la jeune fille au petit homme.

— Je suis de la maison de M. le duc, mademoiselle, répondit d’une voix glaciale l’étrange pantin.

— C’est-à-dire, ajouta le duc, que son maître étant français (bien que ma mère fût anglaise) Largess se considère… mi-partie. »