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poitrine dilatée sous son veston collant, aux larges brandebourgs.

Tout à coup un éclat de rire aigu sembla tomber du ciel.

Les travailleurs relevèrent la tête.

Il y avait à mi-côte, entre deux rideaux de ronces fleuries, une amazone qui les regardait depuis cinq minutes. Son cheval, dont les pieds de devant étaient posés sur une bande de terre attenant à la roche, regardait également, les naseaux froncés par le dédain ; un grand épagneul roux, planté sur la roche même, gonflait les oreilles et humait le vent.

Mlle Renée Fayor, car c’était elle qui osait rire en une pareille circonstance, fit un petit salut ironique du bout de la cravache ; le cheval exécuta une courbette donnant une ondulation de suprême impertinence à sa crinière, soyeuse comme un écheveau de soie floche ; l’épagneul balança sa queue en panache, puis un second rire encore plus aigu retentit.

— Si tu commençais par te retirer de là, toi, fit le général d’un ton bourru, au lieu de poser pour la statue équestre.

— Dont le piédestal est solide, je vous en réponds, cher père, dit la jeune fille en reprenant son sérieux… Mais pourriez-vous me faire connaître les lois de la gravitation qui permettent à un roc d’être ébranlé par deux poussées en sens inverse ? »

Dans la bagarre, en effet, il y avait des paysans, venus les derniers, qui s’escrimaient par derrière tandis qu’on s’éreintait par devant.