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Bruno sauta sur pied, et partit pour transmettre les ordres de son maître.

Bientôt il arriva à la rescousse plus de monde qu’on n’en voulait. Jacques avait jeté ses arrosoirs dans un massif de verveines et Mérence les habits qu’il brossait, tandis que la cuisinière poussait les hauts cris pour attirer les fermiers occupés au labour. Ce fut un tourbillon.

Le général dominait le tumulte de sa plus belle voix de commandement. L’assaut fut donné avec une vigueur terrible. Le général ne plaisantait pas, et s’il donnait volontiers des verres de vin, il donnait aussi volontiers des coups de canne. Quant à Bruno, il dut pousser comme les autres. Tous ces méridionaux, moqueurs d’abord, se montaient peu à peu et s’acharnaient sur la pierre inébranlable, s’excitant en patois, écrasant les lézards, arrachant le lierre, la mousse, jurant, sacrant, s’écorchant.

— Je vous assure, répétait l’architecte abasourdi, que mes leviers allaient mieux.

— Monsieur, je n’aime pas les démentis… je ferai venir tous mes colons, ça m’est égal. »

La cuisinière, tremblante, se coula parmi les hommes et s’en fut héler de nouveaux tenanciers. On laissa les bœufs par les chemins, les troupeaux sur le pré, la herse dans le champ, et il y eut des femmes qui amenèrent des enfants à la mamelle.

Le général, debout sur un quartier fraîchement fendu, continuait ses harangues, majestueux, la