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— Tais-toi ! Laisse-moi terminer mon allocution de demain. Tu trouveras un exemplaire de mon livre dans ta chambre, je l’y ai fait déposer. Cela vaudra mieux pour ton cerveau détraqué que les romans à la mode. Va !… Bruno, reprends la plume. »

Renée se retira avec une moue significative. Dès qu’elle fut chez elle, ses nerfs se détendirent et elle s’affaissa sur une chaise longue en balbutiant :

— Le père d’un assassin à la tribune !… »

Elle revit, par la pensée, la figure distinguée du duc penchée sur sa tempe meurtrie. Peut-être, celui-là empêcherait-il son père de réussir dans ses projets.

Elle resta songeuse un instant, puis, ses traits pâlirent de nouveau ; de nouveau la cicatrice de son front devint bleue et elle répéta douloureusement :

— Peut-être ! »

Le lendemain matin, Renée, qui avait bien dormi, ouvrit sa croisée de bonne heure afin de revoir la coupole de la salle de bains. Elle espérait vaguement qu’un miracle aurait pulvérisé la roche. Mais celle-ci gisait toujours à sa place. Aux lueurs de l’aurore, les vitraux à facettes du temple funèbre brillaient toujours. Renée s’accoudait sur l’appui sculpté du balcon, lorsqu’il lui sembla que les massifs de verveine s’agitaient et qu’une tête surnaturelle émergeait des fleurs. Elle tressaillit. Sans être devenue peureuse, elle éprouvait maintenant des tressaillements involontaires chaque fois qu’une chose