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Renée poussa un cri de surprise.

— Mélibar vivant !… C’est impossible !

— J’ai l’honneur de l’affirmer à Mademoiselle », répondit le flegmatique Largess.

Mlle Fayor réfléchit une minute, puis elle rentra dans sa chambre et se mit devant son bureau.

— J’ai besoin d’un allié, il vient à moi, je m’abandonne au destin », pensa-t-elle tout haut.

Elle prit une enveloppe et du papier azuré, timbré aux armes de sa mère qu’elle avait ajoutées à ses initiales, elle jeta sur ce papier quelques phrases polies assez insignifiantes pour ne pas la compromettre, assez originales pour fixer l’attention. Renée savait bien qu’un mot plié en quatre est quelquefois la perte d’un homme.

— Monsieur Largess, vous allez porter ce billet à M. le duc, et vous lui direz qu’il ne vous fasse plus coucher à la belle étoile. »

Largess saisit la lettre au vol et disparut.

— Le duc s’ennuie, murmura Renée, refermant la fenêtre, moi, je souffre. Il y a vraiment des affinités. »

Elle pensait juste : M. de Pluncey s’ennuyait et s’ennuyait tant, qu’il daigna venir au-devant de son groom, lequel descendit l’allée des Combasses vers onze heures du matin.

— Eh bien ? interrogea le futur député royaliste.

— Eh bien ! monsieur le duc ne s’était pas trompé ; j’ai déjà une lettre. »

Ce déjà était profond.