Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
nono

— Les femmes écrivent toujours, objecta le duc en dépliant le billet.

— Tu es un garçon intelligent, » fit encore M. de Pluncey, en caressant la tête blonde et grotesque de son domestique.

À Tourtoiranne on faisait de sérieux préparatifs. Nono ne cessait d’écrire, non des billets parfumés, hélas ! mais d’interminables professions de foi.

Le tilbury allait et venait sur la route de Montpellier. Le facteur rural pliait sous le poids des imprimés, les paysans ne quittaient plus les cuisines et les domestiques affolés se multipliaient par les ailes selon l’expression du Sabreur.

Renée profita d’un moment de répit dans ses terribles devoirs de maîtresse de maison pour arracher Nono à ses paperasses.

— Pourquoi ne m’as-tu pas dit ce qui se préparait, méchant enfant ? » demanda-t-elle, ne faisant qu’un bond de la portière du cabinet à la table de travail.

Nono lâcha la plume.

— J’avais donné ma parole, parce que le général se défiait de vous.

— Et tu l’as tenue !… Je t’en félicite ! »

Renée était en grande toilette : robe de satin bleue garnie de longues guipures blanches, très décolletée, avec une touffe de verveines roses et rouges dans ses cheveux relevés par un peigne de perles fines.

Elle lui frôla son éventail sur la joue, prise d’humeur contre lui, peut-être parce que ce n’était pas lui qui l’avait sauvée, là-bas près de la mare.