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bienveillante et certes monsieur son père s’attendait peu à tant de bonne volonté.

Il y avait des sommités de Montpellier, le maire républicain, les adjoints, le curé de Gana, ancien aumônier qui jurait et sablait le champagne, un médecin enthousiaste, de gros propriétaires opinant du bonnet. Cela se passa de point en point comme le racontait le duc de Pluncey au cours de ses boutades. Quelqu’un émettait une grosse sottise politique, aussitôt tout le monde d’applaudir. Personne ne comprenait, mais on parlait tous à la fois. Sauf la couleur politique, même solennité que dans la salle à manger des Combasses ou à l’Hôtel des couronnes.

Renée ne fit à son père qu’une guerre courtoise, mais elle la lui fit bravement.

Nono, du bout de la table, l’examinait derrière les verres mousseline et il était partagé entre la crainte de l’entendre soutenir ce duc maudit, arrivé on ne savait d’où, et celle de casser ces coupes fragiles lorsqu’il les touchait du bout des lèvres. Il dîna très peu, fut d’une maladresse notoire, si bien que son général lui cria à brûle-pourpoint :

— Bruno ! vous ne serez jamais qu’un rustre ! » seul avis qui rencontra réellement l’unanimité des convives.

Renée, à l’aurore suivante, courut au balcon de sa chambre. Largess était là, son chapeau ciré à la main.

— Monsieur le duc fait demander à Mademoiselle comment se porte Mademoiselle et me charge de remettre ceci à Mademoiselle.