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Le jeune homme eut un sourire :

— Archimède l’emportant sur Alexandre, fit-il, très content de se tirer d’affaire sans se fâcher avec le Sabreur.

— Voyons, Mélibar, gronda Renée, s’adressant à son cheval, reste donc tranquille, tu vois bien que ce pauvre Bruno se meurt d’effroi. »

À la vérité, Bruno examinait Mélibar d’un air défiant, et Mélibar reniflait sur Bruno le plus qu’il pouvait ; puis c’étaient des appels rageurs du sabot, des secouements de crinière. L’amazone caressa doucement l’encolure de son cheval, prenant en pitié railleuse le secrétaire qui essayait de se donner une contenance.

— Ah ! çà, Bruno, pourquoi le regardez-vous à la dérobée ? Il est très doux, cet animal. À moins qu’il ne prenne vos cheveux pour une botte de foin. »

Bruno portait les cheveux longs, des cheveux drus et luisants comme ceux des bohémiens. Cette coiffure peu soignée achevait de lui donner la physionomie d’un enfant battu. Bien qu’il fût robuste garçon il avait des peurs naïves, et, malgré ses vingt-deux ans, il avait horreur du cheval de Renée. C’était une torture pour lui que d’être en contact avec Mélibar, et Mélibar libre l’aurait mis en pièces. Là, devant ces paysans, Bruno ne pouvait cependant pas tourner les talons.

Le général d’un côté, Renée de l’autre échangèrent une grimace de mépris. Le père et la fille s’enten-