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grimace singulière, pinçant les deux lèvres et les écartant tout d’un coup sous sa barbe soyeuse.

— Quels sont les ordres pour demain ?

— Tu mettras dans la baignoire le bouquet qui arrivera de Nice au crépuscule. D’abord, il se tiendra plus frais, ensuite, personne ne pourra le prendre avant elle. Il n’y aura pas de lettre… le reste me regarde… Ah ! j’oubliais ! mon intendant a enfin déniché un étalon merveilleux, absolument semblable au Mélibar défunt. La selle a été restaurée. Tu iras lâcher ce cheval dans la cour de Tourtoiranne vers sept heures. »

Largess s’inclina et M. de Pluncey continua sa promenade solitaire.

Ce soir là, Bruno Maldas descendit dans la cour de Tourtoiranne pour aller porter des plis très urgents à la poste de Gana-les-Écluses, lorsqu’il aperçut, caracolant en liberté, un cheval noir comme du jais, sellé, bridé, et secouant une superbe crinière ondulée. Bruno reçut un choc violent à la poitrine, si violent qu’il faillit tomber sur les marches du perron.

— Mélibar ! » cria-t-il d’une voix rauque.

Tous les domestiques accoururent.

— Oui ! Oui ! c’est Mélibar. Mademoiselle va être bien contente. D’où arrive-t-il ? Réponds donc, grande bête, tu t’es laissé voler ?…

— C’est lui ! il n’y a qu’un pareil cheval au monde… c’est lui !… répétait Nono en proie à une horrible émotion.

— Allez donc prévenir Mademoiselle, vous, dit le co-