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— Je vous pardonne, monsieur, répondit Renée en se laissant tomber sur les coussins du canapé. »

Tout à coup, elle fondit en larmes.

— Vous pleurez ? Oh ! mademoiselle ! vous aurais-je tellement offensée ?… Mademoiselle Renée… dois-je me retirer ? Je vous en conjure… que dois-je faire ? »

Il se leva, très inquiet. Ce fut alors qu’il s’aperçut du désordre de la salle. Les linges humides exhalaient encore leur délicieuse odeur de femme, le lilas floconnait toujours sur l’eau de la baignoire.

— Ah ! je comprends !… les dragons sont chargés de veiller sur le trésor et j’arrive moi… profane !

— Je me baigne ici chaque matin, en effet, et mes gens ne laissent approcher personne, mais… je ne vous en veux pas, monsieur, non, je ne vous en veux pas ! »

Rien ne donne de l’ingénuité à une femme comme de la surprendre dans un trouble amoureux. Renée bégayait, devenant irrésistiblement jolie. Par un hasard providentiel, Louise arriva portant sur un grand plateau le déjeuner de Mademoiselle. Le duc, ainsi, put se convaincre qu’on n’était pas en tête à tête lors de son irruption.

Il n’avait pas vu Bruno sortir du temple, et, peu au courant encore des habitudes de la maison, il crut que tout ce qui se passait, sauf les pleurs, était très naturel.

Renée s’essuya les yeux, prit elle-même le plateau et referma sa porte.