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d’un martinet mort sous une gouttière — et l’oiseau était bien petit. Le plus gros des rats était en avant, défiant les autres, le museau levé. Le martinet représentait le point litigieux de leurs affaires.

Les Choses et les Hommes de 70 ! » se dit Nono comparant cette scène à celle qui se passait dix mètres au-dessous de lui, dans la circonférence de la grange. Puis il rêva, le menton sur la paume de sa main, le coude sur le toit de chaume où poussaient des giroflées jaunes et du lichen.

Montpellier était là-bas, dans le fond. À gauche, le château de Tourtoiranne dominant le village, et à droite, cette vieille baraque immense où s’était logé le damné duc. Mais on ne voyait pas les Combasses, il les devinait seulement.

Jadis, quand Nono regardait Montpellier, soit de haut, soit de bas, il ne songeait qu’à la rue des Trois-Couvents, habitée par Lilie Névasson.

Il y songea, ce matin de dimanche, tout calme comme les jours pendant lesquels il allait chercher des fleurettes pour les offrir à sa fiancée. Nono, maintenant, pensait à M. de Pluncey, pérorant, de son côté, dans cette même rue des Trois-Couvents, où il y avait une salle de concert.

Ah ! la vie avait changé !…

Le père de Lilie était là parmi les électeurs, il venait quelquefois à Gana-les-Écluses pour fournir de la toile à un petit débitant du lieu et la tentation d’écouter un discours politique l’avait pris en passant devant la grange.