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« Être leur maîtresse ! » comme elle disait cela !… sans trembler, en le regardant de ses yeux sombres ! Après !… cela s’était vu quelque fois qu’une fille bien née eût des amants et demeurât respectée du public. Cette chose, mal définie pour Nono, avoir un amant, des amants, prenait une proportion effrayante, et il y avait loin, pour son imagination chaste, de cette chose aux baisers délicieux donnés dans la salle de bain.

— Je ne sais pas ! bégaya-t-il, presque honteux de souiller ses lèvres d’un mot de doute, et il continua très bas :

— Je veux m’en aller, on souffre trop auprès de vous. Je suis pauvre et je veux garder les restes de mon cœur… laissez-moi partir. D’ailleurs, on cause, les gens voient la nuit… ils n’auraient qu’à me voir où je ne suis pas. Puis-je empêcher ce qui se passe, moi ?

— Tu te trompes, enfant, dit-elle avec un vague sourire, j’aurai besoin de toi quand je serai arrivée où je veux arriver. Ce ne sera pas long. Si tout peut s’effacer dans ma vie passée et que rien n’ait l’air de nous lier aux regards curieux du monde, nous trouverons du bonheur… Sauras-tu être heureux ?… et, sans lui donner le temps de répliquer, elle reprit :

— Mais, que dis-tu ! qui se permet de voir la nuit ? Explique-toi mieux, Nono »

Elle s’était rapprochée et s’appuyait sur sa chaise. Par l’échancrure de sa robe, il voyait son sein palpiter ; elle avait la même robe que le jour des eaux…