Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
217
nono

épouvante surnaturelle. On dirait que je vois du sang de tous côtés… cependant je n’étais pas peureuse…

— Mais nerveuse, ma reine aimée ! et il lui baisa doucement les paupières pour l’empêcher de regarder cet arum dont le parfum le troublait.

— Écoute, supplia-t-elle, quoiqu’il arrive, promets-moi encore de ne rien révéler sur Barthelme. Tu ne dois jamais avoir connu les détails de son arrivée ici !

— Il est donc venu ?

— Ai-je dit qu’il était venu ?… Nono, il faut, tu m’entends, ne pas répondre aux questions ! Surtout, tu ne l’as point vu quand il t’a fait une visite, à Paris ; tu ne dois pas te mêler de cette triste… chose. Soit ! ce sont mes nerfs qui l’ordonnent… Oublie-moi, mais n’oublie pas mes volontés. »

Elle le serrait follement contre elle. Nono fut effrayé.

— Puisque je t’ai donné ma parole… sois calme ! Oh ! tu as donc de bien grands ennemis… dans ceux qui t’aiment ?

— Oui… je ne les aime pas, comprends-tu ?

— Et moi, serai-je encore ton ami ?

— À cette seule condition, Bruno : quelque accusation qu’on puisse porter contre moi, tu ne me défendras point.

— Singulière amitié ! fit Nono abasourdi.

— Ne sais-tu pas, Bruno, dit-elle avec fièvre que si je pouvais t’arracher le cœur, je le ferais en ce moment.

— Ma jalousie t’évitera cette peine ! » répondit le