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nono

Le général, malgré son scepticisme habituel, crut à la fin du monde… On osait lui demander s’il avait une fille !

— Oui, monsieur… j’ai une fille ! »

Et pris de vertige, il allait se précipiter pour appeler Bruno et charger cette canaille qui posait des questions à un soldat décoré, quand il fut cloué au sol par une apparition encore plus fantastique que celle du juge d’instruction.

La portière du cabinet s’écarta et Mlle Fayor fit son entrée. Elle était très pâle, quoique merveilleusement jolie dans sa robe de dentelle ; Elle s’appuyait, souriante, sur le bras… du duc de Pluncey !… Le général le voyait, le toisait, l’allait toucher… Son adversaire politique !… Son ennemi !… le duc enfin !… le candidat royaliste !… et opposé !… C’était lui, en chair et en os. Il y eut une vive émotion dans la salle.

Chacun savait bien, à Gana-les-Écluses, que le général n’avait jamais reçu chez lui le duc, qu’il appelait un duc de pacotille.

Renée paraissait calme et gaie. M. de Pluncey les lèvres pincées, les yeux brillants, devait avoir cédé après une lutte folle. Cependant, il faisait contre sa bonne fortune un aussi mauvais cœur que possible, et, sous la pression impérieuse de ce bras rond, il essayait de reculer encore.

Le juge instructeur s’inclina, pris d’admiration pour ce beau couple.

Le maire haussa les sourcils comme un être qui