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— Je chassais, répondit froidement le duc, sans rire, lui.

— Sur tes terres, papa », ajouta Mlle Fayor qui semblait braver, à la fois, toutes les opinions.

Personne ne releva l’allusion. On passa dans la salle à manger ou le lunch fut dressé comme par magie et Renée fit les honneurs avec une bonne grâce parfaite.

Livide, le duc mangeait du bout des dents, mais toujours exquis de politesse. Le général, transplanté sur un terrain neuf, examinait maintenant l’ennemi, émerveillé de le voir si penaud.

On servait le champagne glacé dans des coupes de verre vénitien, lorsque le juge d’instruction se frappa le front, ressaisi d’une idée que, depuis une heure, les vins généreux de Tourtoiranne épaississaient au fond de sa cervelle.

— Tiens ! j’y pense, mon cher général, vous avez un secrétaire ici… Bruno Maldas ! Il faudra me l’envoyer demain matin, chez moi. Encore des formalités, mais j’ai des ordres précis le concernant. Vous savez ? l’interrogatoire !…

» Pour aujourd’hui, je ne troublerai pas cette délicieuse fête de famille, ce serait un crime ; donc, demain envoyez-le-moi avec votre déposition collective !…

— Parbleu ! je vais faire venir Bruno tout de suite, ce sera plus simple, mon excellent juge ! »

Fayor frappa sur un timbre. Un domestique parut.

— Allez me chercher Bruno », ordonna-t-il.