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jusqu’à l’impertinence vis-à-vis des hommes, il ne serait, pour un empire, monté auprès de cette jupe, de peur de la froisser.

Depuis sa première équipée d’écolier, le duc cherchait son inconnue, faisant du plaisir un culte ; emporté dans ses désirs et tenant les pères, les maris, les frères, pour autant de zéros.

Son inconnue, ne pouvait être, fatalement, qu’une femme qui ne l’aimerait pas ; et il se désespérait de savoir à l’avance qu’elle ne l’aimerait pas, tout en étant bien sûr que cette condition était nécessaire à son propre amour.

Héritier d’un beau nom, d’une belle fortune, il fut à Paris le but de toutes les ambitions féminines. Il mangea du demi-monde, goûta aux artistes, dévora des ingénues (s’il en est à Paris).

Il aima sincèrement une créature charmante qui le trompait mais lui donnait l’occasion de la battre dans ses accès d’humeur.

« Frapper une femme, c’est être manchot, pour moi, disait-il ; car je ne ferais jamais l’honneur d’un duel à un gentilhomme capable d’une telle action. Il est digne d’être infirme. »

Et presque tous les éventails de Milla furent brisés sur les épaules de Milla. Effet de spleen !

Il aima follement une pianiste célèbre, qui portait toujours une robe violette dans les concerts… N’eût été cette robe, il l’aurait peut-être trop aimée.

« Les pianistes ont un tempérament de fer… comme leur doigts, » ajoutait-il avec une moue.