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nono

nuit, il absorba une quantité effrayante de volumes en vogue. Le matin le trouvait pâle, les yeux cernés. Il fuma et crut qu’on s’était trompé de marque tant le cigare lui parut mauvais. Son cheval lui sembla changer d’allures.

Largess fut tancé. Le déjeuner manqua de saveurs, la promenade de sites, la forêt d’ombre et, par extraordinaire, il trouva de l’esprit à son garde champêtre !…

Enfin, il s’aperçut que la seconde moitié de sa poitrine se gonflait comme la première. Il est certain qu’il ne pouvait pas avoir deux cœurs… malgré ses nerfs !

On était à la sixième journée. Après son repas du soir, il sortit dans le parc pour émietter du pain aux nouvelles carpes de la mare et caresser ses chiens braques. Devant la mare profonde, il remarqua une chose très brillante miroitant dans un remous plein d’ajoncs : c’était une étoile !

« N’ai-je donc jamais vu une étoile ? » se demanda-t-il étonné. Saisi d’une rêverie douce, quoique pénible, il resta devant l’astre sans songer que les soirées devenaient très fraîches, lui qui craignait le froid à l’égal d’un homme d’Asie. Ce rayon le fascinait.

Tout d’un coup, il se redressa épouvanté.

« Mais je suis amoureux ! » rugit-t-il.

Amoureux, pourquoi ? Amoureux, comment ?

Le septième jour, il imita l’Éternel et se reposa. Désormais, il avait créé son monde, peuplé sa terre,