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Au collège de Lodève la classe des petits manquait précisément de férule. Il ne dit ni d’où il venait, ni pourquoi il avait l’air pauvre et on l’installa, sans pompe, sur une chaire de bois blanc tachée d’encre, pendant que les petits psalmodiaient leur arithmétique d’un ton nasillard. Nono les aima tout de suite, ces enfants. Il n’était pas de ceux qui ont le malheur égoïste, aussi fût-il, au bout d’une semaine, le plus pitoyable des professeurs.

Les appointements s’élevaient à la somme de 50 fr. par mois, moins les retenues…, un train de prince !… On daigna même lui avancer dix francs, ce qui lui permit de faire une ample provision de guimauve pour les plus morveux qu’il mouchait avec ses mouchoirs propres. Et ce fut un repos d’une tristesse calme, douce, bête… L’un des quinze garçonnets avait des yeux rappelant ceux de Renée, l’autre avait ses cheveux souples, un troisième sa peau transparente. Ceux-là n’arrivaient jamais à être punis. Nono les regardait longtemps, le coude appuyé sur sa chaise, rêvant dans l’assourdissement de la classe bambine. Parfois, il lui semblait entendre un cliquetis de mors et de brides lui rappelant le damné Mélibar et il finissait par voir un tas de gamins à quatre pattes, jouant au cheval avec des rênes en ficelles.

Tantôt, c’étaient des parties de cache-cache terminées dans ses jambes et dont les cris aigus ne le distrayaient pas ; ou des encriers de plomb lancés à toute volée, comètes à sombres queues, qui lui heurtaient le front.