Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
253
nono

… Quand la traîne de soie eut disparu, Mme Maldas leva les bras.

— Sainte Vierge ! balbutia-t-elle, la fiancée du duc de Pluncey aime mon fils… ou c’est elle qui l’a perdu ! Elle avait deviné, car toutes les femmes sont femmes avant même d’être les épouses de misérables jardiniers.

Où était allé Bruno ? Mon Dieu, droit devant lui. Il avait laissé ses hardes dans la mansarde de Tourtoiranne comme des livrées désormais inutiles. Quelques livres, un peu d’argent, des mouchoirs propres comprenaient tout son bagage. Bagage qu’il portait sur son dos robuste. Nono voulait s’anéantir au fond d’un oubli complet. Un abîme dont il ne reviendrait plus, un trou qu’il creuserait en se voûtant perpétuellement afin de ne pas revoir le ciel qui s’appelait Renée.

Il marcha sans manger pendant près de deux jours, avançant d’une façon machinale. Il arriva à Lodève, ignorant le chemin parcouru et le nom de l’endroit.

Il ne connaissait pas cette ville n’ayant jamais quitté Montpellier que pour aller à Paris. Cela n’apprend pas grand’chose les voyages en locomotive. Il s’épousseta les souliers avant de gagner les rues, se secoua, mit le paquet sous son bras et se fit donner l’adresse d’un collège par un passant. Il possédait son diplôme cousu entre la doublure et son vêtement. Plus un certificat de moralité. Cela suffirait, pensait-il pour vivre.