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nono

Bruno se tut, les paupières baissées.

— Vous avez connu Victorien Barthelme ?

— J’en ai entendu parler, lors de mon séjour à Paris.

— Vous l’avez-vu après qu’on lui eut interdit l’entrée de l’hôtel Fayor ?

— Non, monsieur !

Il se fit un silence grave. On n’entendit plus que la plume du greffier grinçant très vite.

Le juge hocha la tête.

— Vous ne l’avez pas vu, monsieur Maldas, vous en êtes sûr ?

— J’en suis sûr, répéta Bruno car, maintenant, il lui fallait obéir à Renée pour être digne d’elle, obéir en tout, dût-il mentir. Elle était pure, elle avait juré de n’aimer que lui. Oh ! l’adorée ! qu’il aurait donc voulu la revoir toute blanche dans l’atmosphère funèbre du bureau.

— Réfléchissez », dit le juge d’un ton plus dur.

Bruno rêvait les yeux dans le vague.

— Mais, non, vous dis-je, mais non, je n’ai pas revu cet homme depuis l’époque où il fut chassé par le général. »

Le timbre retentit de nouveau, la portière du cabinet se souleva et Bruno, tournant le dos, ne sut pas qui venait d’entrer.

— Vous maintenez votre déclaration ? demanda encore le magistrat.

— Je la maintiens », répondit encore Bruno.

Une respiration haletante lui fit obliquer la tête. Tout son être fut saisi d’un frisson glacial. Il lui