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une semaine de lune de miel, que Mme la duchesse organisait une partie de chasse où toute la noblesse des environs fut conviée. Les fanfares retentirent. On lâcha des renards comme en Angleterre, on sema plus de poudre et de plomb que les armuriers du chef-lieu n’en purent fournir. Alors, les gens des Combasses virent bien que leur maîtresse s’entendait aux choses du grand monde, car elle les surmena jusqu’à leur faire crier merci.

Elle eut des caprices si monstrueux, fit des dépenses si considérables que le général lui dit à plusieurs reprises : « Songe aux enfants de troupe !… mille tonnerres ! » Comme réponse, elle organisa un laisser-courre et fit venir de Paris cinquante costumes Louis XIII pour cinquante invités.

Les plaines se sillonnèrent de gentilshommes en plumets ondoyants, de jupes de velours clair, de pages à toques brillantes ; elle-même avait une amazone de satin bleu broché d’argent, fouettant la croupe d’un superbe cheval.

S’amusa-t-on ? À en croire les chasseurs, ce fut un délire, mais en examinant de près les visages des maîtres du château, on ne s’en serait pas douté. Renée riait, parce qu’elle voulait rire, quant au duc, pâli, vieilli, méconnaissable, une flamme terrible dans ses prunelles naguère si douces, il allait comme un spectre et vêtu sincèrement de noir.

Pas un mot intime n’avait été échangé depuis ce mariage d’amour. Renée habitait l’aile gauche, M. de Pluncey habitait l’aile droite !…