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Aux Combasses, une fois le couvre-feu sonné, chacun reprenait sa liberté jusqu’à l’aurore.

Renée vivait dans une attente épouvantable. Le silence qui enveloppait maintenant Nono lui donnait une fièvre chaude. Quand le dernier cavalier Louis XIII eut quitté le salon, elle alla trouver le duc dans sa chambre, ce qu’elle n’avait encore jamais fait.

— Edmond, dit-elle affectueusement, puis-je vous parler deux minutes avant votre lecture ? »

Largess était là, arrangeant des livres ouverts et des couteaux à papiers. Il se retira, sur un signe de son maître.

— Il me semble, répondit M. de Pluncey, très courtois, que vous n’aviez qu’à me faire prévenir. »

La portière était retombée sur Largess, ils se regardèrent un instant. Le duc avait presque de l’effroi, Renée presque de la honte.

— Monsieur, dit-elle se tordant les mains, je me meurs… vous le sentez bien…, n’est-ce pas ? »

Le duc s’appuyait sur le blason de vermeil de sa fumeuse favorite, il semblait s’en faire un rempart contre la redoutable créature.

— Ah ! murmura-t-il, vous n’aviez pas l’air de mourir, aujourd’hui ! Vous êtes très forte, madame. Permettez-moi de vous en faire mes plus humbles compliments. Il est rare de porter un nom flétri aussi légèrement que vous le portez. »

Elle restait debout, l’œil atone, les bras abandonnés le long de sa grande robe, car elle n’avait pas encore ôté son costume d’amazone. L’incarnat que lui