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nono

pourvu que tu n’ailles jamais plus loin ! Vous n’irez jamais jusqu’à Bruno.

— Mais vous le ferez fuir pour qu’on le croie coupable ? Ah ! tuez-moi… tuez-moi ! »

Elle rampa jusqu’à lui, s’attachant à ses genoux, essayant de prendre ses poignets.

— Non, madame, je suis d’un autre sang que le vôtre. C’est moi-même qui lui proposerai bientôt le bonheur que rêvent tous les vrais amoureux. Et je le crois sincèrement épris !… »

Elle le regarda, cherchant à savoir s’il plaisantait selon sa sinistre habitude. Le duc posa ses doigts glacés sur les cheveux blonds qui le tentaient avec leur scintillement de paillettes, et, presque caressant, il lui dit très bas :

— Renée, j’ai à présent une large façon de considérer l’humanité. Vous serez chacun arbitre de votre sort : Aimez-le !… jusqu’à épuisement de votre cœur… Quant à lui, je lui offrirai la liberté quand il voudra ! »

Il souriait. Son sourire se perdait sous sa barbe châtaine.

Renée devint pourpre.

— Je vous demande plus que sa liberté, c’est-à-dire la preuve de son innocence !

— Vous avez une certaine grandeur d’âme, je n’en disconviens pas, Renée, répliqua le duc en la repoussant. Distrayez-vous. Inventez des parties de plaisir étranges, voire des chasses du temps de Pharamond. Ma fortune vous appartient, dispersez-la, cela rend