Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
314
nono

leurs girouettes et les feuillages fanés du jardin prirent des tons d’or. La coupole du petit temple abandonné luisait comme un bijou mouillé, l’eau de la vasque s’écoulait en chantonnant son éternel refrain. Ces choses, dans leur élégance tranquille, paraissaient témoigner d’une innocence absolue. Rien ne sentait le crime, encore moins le cadavre. Le ruisseau demeurait limpide, le temple chaste et mélancolique. Un épais tapis de mousse semblait souder les anciennes fissures de la roche et à l’endroit où elle était retombée, le long de l’herbe drue, le lierre avait repoussé, inextricable, enserrant la pierre de ses festons, ne voulant plus la laisser reculer.

Comme jadis, on coupa ce lierre, la mousse fut arrachée, un vilain lézard s’enfuit, il n’y avait plus d’abeilles, mais la couleuvre n’attendit pas qu’on la tirât de son lit de sable fin, elle bondit presque entre les doigts de l’architecte qui avait voulu constater une éraflure à travers les lambeaux de mousse.

— Mauvais présage ! murmura le juge d’instruction qui était superstitieux.

— Non, objecta le médecin, elle nous recommande seulement d’agir avec prudence. »

Le mot fut goûté de M. Béniard qui, on le sait maintenant, n’en égarait jamais aucun.

Les paysans tiraient les cordes consciencieusement ; ils évitaient d’employer les jurons habituels et les plaisanteries patoises parce que, après tout, ce pouvait être la tombe d’un brave chrétien aussi bien que celle d’un damné. On mit une heure avant d’obtenir un