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nono

enfants peuvent bien ne pas se souvenir. Je ne me le rappellerai plus, c’est bien simple. Allons…, viens prendre ton chocolat.

Cette jeune femme était Lilie Névasson.

Bruno, ce matin-là, avait mieux dormi que de coutume, et le bruit des grosses roues de ce tombereau le tirèrent d’un rêve rose : il voyait… mais qu’importe ce qu’il voyait ? La voiture venait de s’arrêter dans la cour.

Nono se leva, s’habilla et déjeuna sans se préoccuper du cheval qui soufflait en face de sa fenêtre grillée. Vers midi, on frappa à sa porte durement, il entendit une voix lui demander s’il avait besoin de boire parce qu’il n’aurait de l’eau que tout au soir. Ce détail l’étonna beaucoup.

— Et pourquoi n’aurai-je de l’eau que ce soir ? riposta-t-il à travers son guichet.

— Vous n’imaginez pas que je vais me déranger deux fois au lieu d’une. C’est la règle, à présent, répondit le gardien dont l’accent paraissait avoir changé en une nuit.

— Mais !… » voulut protester Nono.

On referma brutalement le guichet.

— Il y a quelque chose, pensa le jeune homme ému malgré lui, et il ajouta : Il y a aussi que j’ai froid. Maman m’a promis hier un gilet chaud, rien ne vient ! »

Il s’assit sur son lit, la tête appuyée contre le mur. Ses yeux s’emplirent de larmes. Pourquoi avait-il quitté ce rêve plein du parfum aimé ?