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phénique, pareil à une sueur de vivant. Il tenait dans un gant, rembourré de coton, — car la main droite était absente — un portefeuille rouge.

— Le reconnaissez-vous ? » demanda le juge d’un ton net et tranchant :

Nono mit ses bras en avant pour ne pas le voir.

— Oui, râla-t-il… Je crois que c’est lui ! Mais, je vous en conjure, messieurs, laissez venir ma mère ! »

Un greffier écrivait sur ses genoux, Jarbet secouait son mouchoir.

— Bruno Maldas, continua le magistrat se redressant de toute sa hauteur, le cadavre épouvantable qui est devant vous a été retrouvé sous un rocher, au château de Tourtoiranne. La nuit même du crime vous avez veillé sans pouvoir préciser l’emploi de votre temps, des domestiques l’ont affirmé. Et la veille vous avez trahi votre préméditation en disant à M. Béniard, architecte, pendant qu’on creusait sous cette roche : « Une belle tombe pour un homme ! » De plus, voici le portefeuille de Barthelme, ouvrez-le et lisez la lettre qui s’y trouve.

Bruno prit le portefeuille. Ses pupilles se dilatèrent d’une façon tellement subite qu’on put croire qu’il allait être frappé de folie… Il lut la lettre, puis il la laissa tomber par terre.

— Je ne sais pas ! » murmura-t-il.

Ce fut tout. Nono avait compris qu’il était perdu.

— Répondez donc… Puisque vous êtes innocent ! » dit Jarbet impatienté.