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Le jeune homme releva ses grands cils un peu humides.

— Je veillais, je m’en souviens. J’ai entendu un bruit sourd qui fit trembler mes vitres. Du dehors, on a pu voir ma lumière… Ai-je dit ce mot à l’architecte… je ne m’en souviens pas, je n’ai pas sa mémoire. Le rocher est retombé sans que personne fût là pour le pousser ; sans doute, l’homme est passé par hasard il a été tué. Je ne m’explique pas le reste. C’est la première fois que je lis la lettre qu’on voulait m’écrire. Pas plus que moi, vous ne devriez comprendre comment Barthelme entendait épouser Mlle Fayor en me chargeant de faire la demande à son père !… »

Bruno parlait très doucement, du moment que le cadavre avait été se jeter dans le jardin de Tourtoiranne… il fallait se résigner.

— Vous aimiez Mlle Fayor, la jalousie vous a rendu criminel. Avouez-le ! Bien qu’elle ne se doute de rien, elle sera la première à intercéder pour vous. »

Bruno sourit tristement.

— J’aimais si peu Mlle Fayor à cette époque, monsieur, que j’écrivais, à l’heure de la mort de Barthelme, une lettre d’amour à une autre !

— Quelle autre ? interrogea Jarbet avec vivacité, coupant la parole au juge.

— Que vous importe ? répliqua Bruno en regardant le ciel qu’on apercevait comme une étoile bleue par un des soupiraux de la lugubre salle.

— Vous ne voulez pas révéler son nom ? insista le juge.