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nono

Qui êtes-vous ?… demanda Mme Chauvol se cramponnant à un fauteuil, prête à s’évanouir.

— Je suis Renée Fayor, madame. »

Il y eut un long silence.

Les joues de Lilie devinrent aussi blanches que ses rideaux blancs.

— Madame ?

— Vous avez entendu parler de moi et vous auriez dû prévoir ma visite… »

La femme du pharmacien se sentait prise de vertige.

— Pourquoi vous aurais-je attendue ?… fit-elle le gosier serré.

— Causons, je vous le dirai, reprit la duchesse, et comme elle était partout chez elle, selon son expression, elle laissa glisser son châle, s’assit près de la cheminée, et mettant son menton sur son index :

« Vous avez aimé Bruno Maldas, madame, commença Renée très doucement, un amour d’enfance, peu durable, dont le cœur ne garde aucune trace, dont la mémoire ne conserve aucun souvenir.

» Pourtant il vous aimait bien, lui ! Il vous aimait à en pleurer, j’ai surpris ses larmes ; à en être fou, car il n’osait plus vous oublier. Il vous écrivait tous les jours et ses longues lettres vous révélaient, minute par minute, tous les secrets de sa vie d’homme, à vous encore une enfant. Il y a un an de cela !… Il vous disait ce qui lui arrivait le jour, la nuit, il vous apprenait ce qu’on faisait dans le château maudit qui le gardait loin de vous. Il vous parlait d’une fille noble dont les escapades nocturnes l’inquiétaient.