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nono

N’était-elle pas déjà assez malheureuse de l’avoir laissé traverser sa tranquille vie de pensionnaire ?

Et son enfant tressaillait, elle voyait danser la brassière devant ses yeux épouvantés. Le bouquet de noce, lui aussi, tournait vertigineusement. Que se préparait-il ? Un malheur, des démêlés ? comme l’exprimait si nettement M. Chauvol.

— Ne tremblez pas, madame, continua Renée d’un accent qui aurait enchanté les anges, je ne vous veux aucun mal. Je suis venue à vous parce que toutes les femmes sont sœurs. Vous avez aimé Bruno, moi je l’aime !… Il est innocent comme l’enfant que vous portez dans votre sein.

» Il a souffert un peu par vous… C’est pour vous qu’il est entré sous mon toit, soyez bonne pour sa pauvre cause. Il souffre maintenant pour moi, permettez-moi de le sauver.

» Une lettre pareille à celles qu’il vous écrivait est quelquefois toute-puissante sur le cœur d’un juge.

» Votre réputation n’en recevra aucune atteinte, puisque rien n’était plus pur que vos réponses, je les ai lues ? Prêtez-moi ces lettres ! Vous ne pouvez pas les avoir brûlées, car un mari comme le vôtre ne craint pas ces choses-là !… » et elle acheva sa phrase en souriant.

Mme Chauvol regarda avec angoisse une grande armoire de noyer dont elle avait la clef dans sa poche, puis elle répondit d’un ton faible :

— Je n’ai plus les lettres de M. Maldas… je les ai jetées au feu le jour même de mon mariage. »