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Ce fut vers ce petit mur que Renée se dirigea. Auprès d’elle rampait, le ventre dans l’herbe, les oreilles renversées, miss Bell l’épagneule, qui ne comprenait pas et flairait un danger pour sa maîtresse. Deux ou trois fois, en descendant les vallonnements du jardin, Mlle Fayor se retourna pour l’empêcher d’avancer. La chienne s’arrêtait, obéissante, se coulait sous une touffe d’arbustes, et dès qu’on ne s’en occupait plus, elle reprenait sa marche, anxieuse, reniflant la brise, flairant les cailloux, les brins d’herbe. Miss Bell sentait un homme dans l’atmosphère, et cet homme elle ne le connaissait pas, elle était sûre de ne pas le connaître.

Il y avait au milieu du mur d’enceinte un grillage à serrure. Renée allait l’ouvrir quand quelqu’un prononça son nom tout haut, si haut que l’épagneule bondit, la gueule démesurément fendue.

— Paix ! vilaine bête », murmura l’homme qui se détacha d’un massif de genêts en fleur.

— Vous êtes là ! répondit Renée d’un ton sourd. J’espérais presque ne pas vous trouver ! »

Dans la nuit claire on distinguait le nouveau venu. Il paraissait âgé de trente ans au plus. Il tenait son pardessus sous son bras, un pardessus gris, doublé d’une nuance tendre. L’élégance de son costume indiquait qu’il avait quitté Paris depuis fort peu de temps. Il mettait à la main son feutre de voyage pour saluer la jeune fille, quand Bell, toujours furieuse quoique muette, se jeta sur lui en mordant le pardessus à pleins crocs.