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Renée fut prise alors d’un véritable accès de fureur.

— Mais, rugit-elle, lui saisissant les poignets au risque de la tuer de peur ; mais vous ne devinez donc pas que vous avez, en votre présence, le meurtrier de Barthelme, qu’on me fait passer pour folle et que si, demain, une preuve vivante m’accompagne à la prison de Montpellier, on me croira… l’innocent sera sauvé pendant que le coupable se fera sauter la cervelle ! Entendez-vous, maintenant ? »

Lilie poussa une clameur aiguë. L’heure des fameux démêlés était arrivée ! Elle se sentait étouffée, comme Barthelme, sous un poids énorme.

— Au secours ! cria Lilie se débattant sous l’étreinte brutale de Mme de Pluncey.

— Tu parleras !… Il le faut, je veux que tu parles ! répétait Renée soulevant la masse idiote de la jeune femme, comme elle avait jadis l’habitude d’enlever Mélibar.

— À moi ! cria plus fort Lilie en s’affaissant sur le fauteuil. La duchesse lâcha ces gros bras inertes, et, prise cette fois d’une réelle crise de folie, elle se pressa les tempes à deux mains.

— Infamie ! infamie !… balbutia-t-elle, je l’ai perdu et je ne peux le sauver ! Tout s’acharne contre lui ! tout l’accable ; et moi, je demeure debout au milieu des ruines que j’ai créées sans pouvoir faire un seul pas utile ! Non… je ne suis pas folle… mais je puis le devenir ! J’ai peur… je doute !… Y aurait-il donc des complicités forcées ? Jusqu’à cette femme qui m’offre