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— Oh ! bégaya-t-il, ne s’apercevant pas qu’il suppliait le mari, allez-vous-en, je veux la voir encore avant les assises… qui sait si elle ne m’apporte pas ma délivrance !… et si je suis condamné, elle m’apportera le courage !… Allez vous-en !… »

Le duc s’appuya au chevet du prisonnier.

— Vous oubliez qui je suis ! fit-il avec un sourire de compassion sinistre.

— Vous êtes son bourreau ! rugit le jeune homme dont les poings se crispèrent.

— Peut-être ! scanda M. de Pluncey, mais elle est le vôtre, Bruno Maldas. »

Les oreilles de Bruno bourdonnèrent, il releva son front déjà penché en avant comme celui d’un désespéré qui va se défendre.

— Elle… mon bourreau ! Renée… et quand vous la gardez de force, elle s’échappe pour venir me voir !

— Bruno, voulez-vous m’écouter ? Ce que je vais vous dire, j’aurais dû vous le dire plus tôt, mais j’hésitais, moi, à leur livrer une femme que j’ai passionnément aimée, qui est la mienne. Bruno, vous m’avez juré, sur votre innocence, qu’elle n’était pas venue. Sur mon nom, par mes aïeux, par la couronne encore sans souillure de mon blason, je vous jure que le véritable meurtrier de Barthelme est celle que vous appelez toujours Renée Fayor ! »

Bruno se renversa en arrière, ses yeux se voilèrent, il devint plus blanc que les draps de son lit, et quand le duc vit ce corps puissant ainsi affaissé, il crut que c’en était fait du jugement des assises. Il passa