Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/363

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
355
nono

pitié de vous ! Je n’aime plus cette femme qui m’a déshonoré pour jamais. Elle va venir tout à l’heure quand je serai parti, soit ! Peut-être voudrez-vous la prendre, si elle se donne. Eh bien, sachez que cette femme était à moi, lorsque vous n’osiez pas baiser le bas de sa robe… Souvenez-vous !… dans le jardin de son père !… »

Bruno se tordit les bras avec une explosion de souffrance.

— À vous !… à vous !… et elle me laissait dans la poussière à ses pieds !… Mais qu’ai-je donc fait au ciel pour qu’il s’écroule aujourd’hui sur mon cœur ?… »

Le duc ajouta d’un air sombre :

— Elle mérite la mort ! »

Un moment, Bruno regarda cet homme qui voulait que Renée mourût… il essayait de comprendre aussi la possibilité de cette chose affreuse. Soudain, il eut un élan de splendide passion.

— Mais s’exclama-t-il, savez-vous bien que moi je suis celui qui l’aime ! Non ! je ne veux pas qu’elle meure. Je reste ! » et il frappa sur le lit misérable comme s’il voulait s’y attacher pour toujours. Le duc s’éloigna d’un pas le regard rivé au visage radieux du pauvre martyr.

— Vous laisseriez subsister l’erreur, les juges ne se douteraient de rien ? »

Nono ouvrit tout grands ses yeux superbes.

— Oui, mais si elle m’avait aimé seulement une seconde. Oh ! alors ! pour cette seconde d’amour, je