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Bruno tressaillit jusqu’au plus profond de son être.

— Vous avez été l’amante de Victorien Barthelme… soyez bénie…, madame la duchesse, dit-il avec une ironie amère, pour les consolations que vous apportez à vos victimes !… »

Renée poussa une sourde imprécation.

— Le lâche… il t’a tout dit… il ne m’a pas fait grâce d’une seule de tes tortures !…

— Il a bien fait, madame !…

— Tu ne me désires plus, Nono ! » dit-elle en penchant la tête en arrière pour qu’il pût lire dans ses yeux égarés.

Il la contempla d’un air morne.

— Je ne vous crois plus, madame ! » et il repoussa doucement les bras qui l’enlaçaient.

Renée eut un cri sauvage.

— Je veux que tu me croies… je le veux… pourrais-je t’embrasser ainsi si je te trompais ? »

Ils demeurèrent saisis de vertige et haletants dans ce baiser, ne pouvant désunir leurs mains.

— Tu m’aimes ? » bégaya-t-il sentant une passion insensée glisser dans ses veines au simple contact de ses cheveux de soie.

Et Renée, pour répondre, arracha d’un geste effrayant les agrafes de son corsage.

Elle était toute nue sous cette robe, comme les courtisanes qui craignent de ne pas avoir le temps d’aimer. Elle n’avait pas senti le froid. Depuis qu’elle était là, son corps brûlait. Du milieu de ces ombres flottantes et de ce velours qui l’enveloppait