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C’était le duc de Pluncey. Rien ne trahissait l’horreur dont il était rempli.

Quelquefois son bras tremblait, mais il faisait un tel froid, les calorifères du palais étaient si mal entretenus, que l’on pouvait admettre sans interprétation fâcheuse ce frisson de raffiné.

À côté de lui, assis dans la martre doublant son pardessus, le général Fayor croisait les jambes et frisait sa vieille moustache grise. Le général songeait anxieusement aux singulières phases du délire de sa fille. Il toisait la cour parce que cette bande de jupes liguées contre un seul être lui faisait mépriser l’humanité. De temps en temps, ses yeux fixes avaient un voile humide, il revoyait sa pauvre fille enfermée là bas dans la chambre bleue avec un médecin arrivé le matin de Paris et deux gardiens rigides.

Folle ! folle à lier, pour un Victorien trouvé sous une pierre, lui qui avait cru qu’elle choisissait l’époux aimé en choisissant cet impassible duc ! Il jetait un hum ! un sonore dans la foule en faisant volte-face pour cacher son émotion.

Quelques officiers retraités étaient venus se grouper à gauche, veillant sur ces hum ! de mauvais augure. Cela formait son éternel état-major de réserve, prêt en cas d’attaque à secourir de sa présence sympathique son vieux général. Plus loin, c’était le maire de Gana, timide et enfoui dans un collet élevé, se demandant si vraiment on pouvait lui demander quelque chose concernant cette affaire.