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nono

Toutes les femmes des jurés étaient venues pour soutenir de leurs œillades significatives l’opinion trébuchante de leurs maris. Par instant, on entendait des réflexions impossibles à retenir et faites de cet accent bizarre qui exalte les méridionaux quand ils se retrouvent après des années d’absence.

— Le duc ne témoigne donc pas ? ma chère dame, c’est bien étonnant !… »

À quoi l’autre répondait du même ton :

— Il n’a pas voulu qu’on lui fît l’affront de lui payer son déplacement, il ne dira rien, Jules me l’a assuré. Vous savez que c’est la première fois que nous sommes de la justice !… » et elle se rengorgeait sous les brides roses de son chapeau, car ces drames véritables ont cela de charmant qu’on peut y assister sans se mettre en costume d’enterrement.

À la meilleure place, près de l’accusateur public, s’était glissé Félix Jarbet se promettant d’avance trois séances de témoignages, à la condition expresse que le coupable persistât dans ses dénégations.

Le public finit par s’impatienter. On tapait des pieds.

Les préliminaires exaspéraient tout le monde. On voulait voir l’assassin… on voulait l’entendre.

Mme Chauvol, étant donné son état, n’était pas venue à l’audience, mais son mari avait les yeux rivés sur M. de Pluncey.

Les Névasson enviaient beaucoup la place de leur gendre. La belle-mère poussait d’une façon outrageuse de pâtissier de la rue des Trois-Couvents qui la séparait de ce poste de faveur.