Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
nono

autre. Tout comme un autre, il s’énamoura de la fille du général, et il eut des transports fous, des raffinements de passion, des ivresses communicatives… Était-ce bien lâche que d’éveiller l’esprit d’une enfant qui ne demandait pas mieux que de se donner à lui, même sans réserve, s’il ne l’eût respectée assez pour… »

Renée eut un sourire.

— C’était un débauché, enfin, dit-elle, redevenue froide.

— Appelez-le comme il vous plaira…, le malheur, en amour, c’est que l’homme apprend à la femme innocente des choses qu’elle ignore. Il vaudrait mieux sans doute, être le troisième amant que le premier. Mais on n’est pas parfait, ma chère, et je n’ai pas eu le courage d’attendre. »

À cette insulte, Renée se leva.

— Taisez-vous ! » dit-elle.

Et elle se tourna, pour voir si la chienne les suivait, prête à la lancer sur lui.

— Où en étions-nous ? fit Victorien sans s’émouvoir. Ah !… ce débauché (je lui conserve religieusement son nom), ce débauché vous aimait donc, et, durant une nuit de douce tendresse…, le… cherchons la date, voulez-vous ? C’est inutile, n’est-ce pas ? Vous lui juriez de l’épouser ; il eut le tort de vous croire ; il se tint à distance, à partir de cette nuit-là ; vous prétendiez qu’il serait dangereux de vivre sous le même toit. Adroitement, vous le fîtes évincer par votre père, et, ne tenant pas mieux vos promesses