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qui fut rapide comme un truc de féerie. Cet homme jeune eut tout à coup le dos voûté, la tête enfoncée, le crâne élargi. Sa poitrine devint une masse, ses pieds disparurent, tandis que ses jambes rentrèrent dans son torse… puis deux jets brillants jaillirent de sa face disloquée… On ne distingua plus rien, l’immense tombe s’affaissa tout entière reprenant son ancienne place avec un bruit de foudre, et la terre s’ébranla jusqu’au château de Tourtoiranne.

Renée Fayor resta là, devant son crime, ne sachant plus bien si elle venait de le commettre… La roche avait repris son air entêté, sournois, et la morne immobilité d’une chose qui veut être complice. Renée, les bras tombés le long du corps, s’était sentie bondir, malgré elle, quand la pierre avait remué tout le sol. Maintenant il lui semblait qu’une humidité sortait du bouleversement, juste à côté de ce marteau de maçon et de ce pic déjeté violemment, elle eut l’idée affreuse que cela pouvait couler de l’homme écrasé. Elle s’éloigna à reculons, s’attendant à voir cette géante se relever pour l’écraser à son tour. La chienne, à quelques pas, regardait aussi, comprenant instinctivement l’horrible action de sa maîtresse. Renée aurait voulu l’entendre aboyer, elle aurait voulu entendre un cri, ne fût-ce qu’un cri de bête ! Mais Bell, quand Renée s’approcha, s’enfuit éperdue sans se retourner.

Mlle Fayor regagna les pelouses machinalement, prise tout à coup d’une de ces craintes nerveuses qui, chez les femmes, dominent les situations les