Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
nono

revolvers de sa panoplie et l’armait avec une sûreté stoïque.

Qui pouvait donc l’attendre si ce n’était la justice ? Elle s’étonnait que le général ne fût pas encore venu la prévenir et préparer son arme.

— Mademoiselle, dit Louise d’un accent tout joyeux, le roc est retombé cette nuit. Figurez-vous qu’il a crevassé la terre et en a fait sortir une source, une vraie source ! Oh ! pas grosse, mais elle coulera plus fort. L’architecte demande s’il faut relever la pierre… bien que cela ne soit guère la peine. On vous attend.

Renée ouvrit sa porte, affolée… Elle avait donc fait un rêve épouvantable…, seulement un rêve ! Puis elle se précipita, retenant des sanglots convulsifs.

En effet, une fontaine se formait au bas de l’énorme tombe, le ciel riait autour, les abeilles se poursuivaient en bourdonnant, les petits lézards avaient repris leur domicile, le lierre déployait son vert manteau, et ceux qui attendaient souriaient, tranquilles, contemplant la source naissante, bouillonnement microscopique essayant déjà des airs de torrent entre ses deux galets.

Devant ce tableau paisible, Renée murmura :

— Mais, oui, j’ai rêvé !

La roche était retombée exactement à sa place ; elle ne laissait plus rien deviner de son secret funèbre. Renée ajouta d’un ton presque calme, en se tournant vers l’architecte :

— Vous auriez dû mieux l’appuyer, mais laissez-la