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des écrins et remplit des coffrets. Si sa fuite était possible, elle fuirait. Après tout, la vie est bonne quand on se sait libre. Victorien Barthelme n’avait rien gardé. Réflexions faites, il était inconnu dans le pays, il n’avait pas paru chez le général depuis longtemps ; qui pourrait savoir pourquoi il était mort ?

Ah ! il y avait cette humidité sentie là bas, à travers l’étoffe de ses souliers, et elle laissait retomber ses bras comme en présence de la roche. Un instant, elle eut l’idée d’aller trouver Bruno dans sa chambre des combles. À eux deux, ils iraient laver ce sang…, car…, ce ne pouvait être que du sang. Le sable n’avait pas voulu tout boire ! Il lui paraissait tout naturel de prendre pour l’aider ce garçon que chacun brutalisait. Elle se dirigeait de nouveau vers le seuil de sa chambre, lorsqu’un son prolongé lui arriva, pénétrant et suivant les épaisses murailles du château, un son, d’abord mélancolique comme une note d’orgue soutenue, puis renflé brusquement d’une manière formidable… Une sueur froide colla ses cheveux blonds à ses tempes… C’était miss Bell, et jamais elle n’avait eu un hurlement pareil. Renée Fayor roula inanimée sur la peau du grand lion d’Afrique. Les premiers rayons de l’aube l’y trouvèrent encore étendue.

À dix heures du matin, Louise, voyant que Mademoiselle ne paraissait pas, frappa doucement à la porte.

— Allez leur dire que je vais descendre, répondit la voix ferme de Renée.

À ce moment suprême, elle avait décroché un des