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On grandit. Quand M. Névasson fit de mauvaises affaires, Nono, devenu M. Maldas, bachelier ès lettres et ès sciences, déclara qu’il paierait les dettes à lui tout seul. Il exécuta alors un acte très hardi. Sans prendre conseil de personne, il alla se présenter chez le général Fayor dont il avait entendu parler comme d’un homme sinistre, ne gardant jamais plus d’un an ses attachés. Mais Bruno avait une bravoure particulière. Il se disait qu’on ne rétribue largement que les métiers difficiles. Ensuite, il avait horreur du commerce, et il aimait à écrire sous une dictée intelligente, à laquelle il pourrait ajouter, au besoin, ses idées, car il avait des idées, très saines, très droites, comme sa petite écriture moulée.

Lorsqu’il se présenta dans le salon sévère de Tourtoiranne, le général le regarda fixement, selon son habitude. Bruno ne baissa point les paupières, ses lèvres s’épanouirent dans un bon sourire candide.

— Vous serez soldat, vous ? dit M. Fayor.

— Non, mon général, je suis fils de veuve et j’ai l’intention de me marier jeune.

— Fils aîné de veuve ! vous avez tort ! » fit brutalement le général.

Et il l’accepta parce qu’il était du pays, mais il le prit en grippe parce que c’était encore un clampin, comme les autres.

Le purgatoire de Bruno se dessinait. La maman, bonne femme n’ayant qu’une mince fortune et une gamine turbulente à surveiller, fut ravie de l’aubaine. Elle connaissait le précoce amour de son aîné et elle