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nono

bébé tenant du père un regard superbe, et de la mère une grâce adorable.

Il en serait peut-être venu beaucoup d’autres… mais, qu’importe ?

Renée, dans ses rêves, fit ce rapprochement… On avait trompé Nono, et elle, elle s’était perdue sans avoir goûté au réel amour !

Il y avait donc un juste milieu que, ni l’un ni l’autre, ils n’avaient pu trouver, peut-être parce qu’ils n’avaient pu se trouver.

Renée Fayor ne songeait-elle pas qu’elle était déjà femme quand il n’était pas encore un homme ?

La lune tourna l’angle de la fenêtre, et laissa Bruno dans l’ombre pour éclairer la place demeurée vide du traversin. Une tentation maladive s’empara de la jeune fille. Elle n’avait pas dormi depuis bien longtemps ; elle voulut dormir une heure, une heure bien paisible de son sommeil d’enfant… Quel mal y aurait-il ? Le remords l’éveillerait assez tôt. Et lui ne se douterait point du calme tout moral qu’il lui aurait procuré ! Elle se pencha avec d’infinies précautions sur la grosse toile, à l’endroit même de la reprise. Nono ne bougeait pas. La respiration était toujours aussi régulière. Alors, le bout de ses petites mules appuyées encore au sol, la joue noyée dans sa chevelure défaite, Renée s’appuyait lentement. Il était à peine minuit. Nono sentit quelque chose d’étrangement doux lui caresser la gorge, juste sous son menton, quelque chose d’un contact plus fin que celui du fil de perles. Cette fois-ci, c’était un