Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
nono

tous les deux faire leur place au soleil en restant à l’ombre de ce chêne. Ô divine bêtise ! Les papillons auraient passé, les oiseaux auraient flirté parmi les folles herbes se disant : Ont-ils de la chance, ces humains ! Et lui, souriant, traduisait le langage des fauvettes en lui expliquant que la chance humaine était l’amour. Et rien que cela l’aurait fait, elle, éclater en pleurs. Toutes les aurores possibles s’inondent de rosée, tous les baptêmes secouent leurs gouttes d’eau, toutes les joies subites ont leurs larmes ! Pas de vanité, pas de bruits, pas de fêtes, pas de luxe ! Rien que deux êtres stupides d’amour, d’amour sincère, d’amour s’ignorant ! Un calme immense, un bonheur si vaste, que pour l’embrasser tout entier d’un regard, il aurait fallu voir à la fois l’horizon du matin aux diaphanes vapeurs et l’horizon du soir dans ses pourpres royales. Ç’aurait été, si cela pouvait être sans irritation, la saveur éternisée d’un baiser lèvre à lèvre où l’on se prend bien plus un sourire qu’une caresse. Et puis, ils seraient repartis vers la maisonnette où les attend le repas du soir. La vieille serait venue à leur rencontre, la vache aussi, l’une tricotant, l’autre broutant.

Le dîner fini, ils seraient passés dans leur chambre à peine éclairée. Elle se serait reposée sur la poitrine ardente de son époux, morte à tous et à tout, plongée dans la joie de l’amour permis comme une enfant gâtée dont les derniers soupirs se sont étouffés sous des coussins de soie !…

Puis, serait venu le bébé traditionnel, un gros