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plumes frisées avec une grosse rose pourpre naturelle, et ses cheveux cendrés avaient des reflets ravissants sous cette ombre sanglante. Son profil merveilleux, coupé par cette toque avancée sur le front, ressortait rose et mat. Elle était si belle que Bruno s’en apercevait. Il aurait bien voulu reculer aussi.

La voiture les berçait d’un balancement régulier. Le trotteur alezan paraissait attelé à une paille. On filait sans bruit sur la route poudreuse, entre une haie de peupliers et le Gara, qui coulait comme un large ruban d’azur. On ne rencontrait personne.

À une montée, Bruno ralentit l’allure du cheval.

— Mademoiselle, nous arriverons trop tard, je crois qu’il est bientôt dix heures.

— Nous arriverons, Bruno, il faut que vous lui parliez.

— Je n’en ai guère envie, moi, murmura Bruno laissant flotter les rênes.

— Est-ce que vous craignez d’être comparé au mari ? » demanda Renée essayant de railler.

Nono fit une moue, puis, subitement, il montra ses dents magnifiques, de vraies dents de sauvage, dans un sourire de gamin.

— Non ! »

Et il la regarda, penchant un peu la tête, baissant les cils, pour s’accoutumer à l’éclat de cette femme.

Nono s’était fait très beau. Sa mère lui avait apporté le matin même un vêtement neuf, et, se débar-