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emporter les lettres de Lilie, disant qu’il fallait que Lilie lui rendît les siennes en échange. « Ces choses-là se font toujours » avait-elle ajouté de ce ton bref qui n’admettait pas de réplique. Il obéissait, finissant par croire que la folie le gagnait.

Cependant Nono se décidait, sans qu’on l’y poussât, à dépenser ses économies. C’était gentil les costumes neufs ! Et ses idées, neuves aussi, quoique très vagues, se condensaient toutes dans ce désir bizarre de se faire beau.

La colline gravie, on aperçut Montpellier baigné dans les vapeurs bleuâtres des effluves matinals. Il y avait un bois de frênes et d’aulnes, au feuillage tremblant à traverser. On s’y enfonça comme dans un rideau qui se déchire ; la route avait des bordures gazonnées pareilles à l’allée d’un grand parc et on ne vit plus le soleil.

René ferma son ombrelle.

— Je suis curieuse, monsieur Maldas, je voudrais savoir ce que vous direz à Lilie en l’approchant.

— Il faudra donc que je l’approche ? répliqua Bruno avec une grimace de dégoût.

— Sans doute, fit Renée gaîment, car elle était presque gaie dans ses dentelles noires.

— Je ne lui dirai rien.

— Et vos lettres ?

— Ah ! ça, balbutia Bruno, rageur, vous voulez que je fasse des bêtises, vous ? »

Et brusquement il tira sur le mors : l’alezan s’arrêta.