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— Mon ami, je m’intéresse à votre roman, et je veux que vous agissiez d’une manière romanesque… C’est très important d’être romanesque. »

Nono fit repartir le cheval.

— Je n’y tiens pas du tout, Mademoiselle !

— Vous l’aimez toujours et vous craignez le mari, avouez-le.

— Oh ! non, répondit Bruno d’un ton dégagé ; je ne l’aime plus !

— Déjà !

— Déjà ?… Elle m’a bien oublié, elle ! gronda-t-il pour étouffer un remords.

— En êtes-vous sûr ? »

Et elle lui toucha le coude du bout de ses doigts gantés de suède d’où émanait une senteur de fleur mêlée à une senteur de femme.

Nono tressaillit éperdu.

— Je ne sais pas, moi, je ne sais pas ! répéta-t-il.

— Vous en rêvez, la nuit ? »

Cette fois, il devint écarlate. Ce fut comme un coup de fouet. Il revit la chevelure blonde, sous les rayons pâles de la lune, il se rappela tout le rêve qu’il n’osait plus se rappeler, depuis son sourire, son regard voilé d’or, jusqu’au baiser inconscient qu’il avait mis sur sa joue.

Une énervante torture s’empara de lui, il voulut briser avec la folie de cette effrayante créature et, redevenu le rustre de la veille, il se tourna, l’œil en feu :