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nono

— Je vous défends d’être Lilie, s’écria-t-il, je vous le défends ! »

Il lâcha les rênes pour presser sa poitrine à deux mains. Il étouffait.

— Pardonnez-moi, Nono ! » dit-elle avec une tendresse mélancolique.

Elle avait mis tout un poëme dans ce nom banal qu’elle prononçait pour la première fois, et ce n’était pas ainsi que le prononçait Amélie Névasson.

Doucement, Renée reprit les rênes.

— Je ne veux pas ! Je ne veux pas ! » cria Nono en se renversant en arrière, et il semblait attaqué par un ennemi invisible.

Il finit par jeter son chapeau au fond de la voiture, se cacha la face, trépigna sur le tapis de Moquette.

— Vous êtes malade, mon pauvre Nono, dit Renée, haletante, vous ne voulez pas que je vous conduise ?

— Si… j’ai… je dois avoir quelque chose ?

— Moi, je crois que c’est Lilie que vous n’avez pas, fit-elle, ne pouvant s’empêcher de sourire.

— Allons, continua-t-elle, donnez-moi votre place, enfant ! »

Elle vit que les pleurs ne tarderaient guère… Ils changèrent de place, elle releva les rênes, mais sans presser le cheval.

Nono balbutia :

— Je suis sûr que je vais mourir !

— Et Lilie s’en consolera… » ajouta Renée qui voulait se moquer à tout prix.