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ANDROMAQVE

Il preuient leur fureur, il luy laiſſe ſa Garde,
Pour ne pas l’expoſer luy-meſme il ſe hazarde.
Mais tout s’apreſte au Temple. Et vous auez promis…

ANDROMAQVE.

Ouy, je m’y trouuerai. Mais allons voir mon Fils.

CEPHISE.

Madame, qui vous preſſe ? Il ſuffit que ſa veuë
Deſormais à vos yeux ne ſoit plus deffenduë.
Vous luy pourrez bien-toſt prodiguer vos bontez,
Et vos embraſſements ne ſeront plus contez.
Quel plaiſir ! d’éleuer vn Enfant qu’on voit craiſtre,
Non plus comme vn Eſclaue éleué pour ſon Maiſtre,
Mais pour voir auec luy renaiſtre tant de Rois.

ANDROMAQVE.

Cephiſe, allons le voir pour la derniere fois.

CEPHISE.

Que dites-vous ? ô Dieux !

ANDROMAQVE.

Que dites-vous ? ô Dieux !Ô ! ma chere Cephiſe,
Ce n’eſt point auec toy que mon cœur ſe déguiſe.
Ta foy dans mon malheur s’eſt montrée à mes yeux.
Mais j’ay crû qu’à mon tour tu me connoiſſois mieux.
Quoy donc as-tu penſé qu’Andromaque infidelle,
Pûſt trahir vn Eſpoux qui croit reuiure en elle,