Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/138

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parce qu’elle les accusoit d’avoir contribué à le retenir dehors toute la nuit précédente. Enfin elle leur portoit envie, parce que bien convaincue de son peu d’influence sur Montoni, elle supposoit qu’il préféroit leur société à la sienne. Le rang du comte Morano lui valut un accueil qu’elle refusoit à tout le reste ; son maintien, ses manières dédaigneuses, la recherche extravagante de sa parure (elle n’avoit pas encore adopté le costume vénitien) contrastoient fortement avec la beauté, la modestie, la douceur, la simplicité de sa nièce. Emilie observoit avec plus d’attention que de plaisir, la société qui l’entouroit : la beauté, néanmoins, les grâces séduisantes de la Signora Livona, l’attirèrent involontairement ; la douceur de ses accens, son air de complaisance, réveillèrent dans le cœur d’Emilie les affections aimables qui sembloient sommeiller depuis long-temps. Pour profiter de la fraîcheur de la soirée, toute la compagnie s’embarqua dans la gondole de Montoni : le rouge brillant du couchant coloroit encore les vagues et s’affoiblissoit à l’occident ; les dernières teintes sembloient se dégrader avec lenteur, tandis que le bleu foncé de la voûte céleste commençoit à briller d’étoiles. Emilie se livroit à des émotions aussi