Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/143

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lui avoit déjà montrée l’empêchoit de juger l’entreprise bien difficile ; il reporta donc sur la tante une partie de ses attentions pour Emilie. Madame Montoni fut tellement flattée de cette distinction, qu’elle ne put en dissimuler sa joie ; avant la fin de la soirée le comte avoit toute son estime. S’adressoit-il à madame Montoni ? Son visage morose s’épanouissoit, elle sourioit à toutes ses paroles, agréoit toutes ses propositions ; il l’invita avec la société à prendre le café dans sa loge, à l’opéra, le jour suivant : Emilie entendit qu’elle acceptoit, et ne fut plus occupée que de trouver une excuse qui l’en dispensât.

Il étoit tard avant que la gondole fût demandée : la surprise d’Emilie fut extrême, quand à la sortie du casin elle vit le soleil s’élever des flots adriatiques, et la place Saint-Marc encore remplie de monde ; le sommeil depuis long-temps appesantissoit ses yeux, la fraîcheur du vent de mer la ranima, et elle auroit même quitté la place avec regret, sans la présence du comte, qui voulut absolument escorter les dames jusques chez elles. Là, elles apprirent que Montoni n’étoit point encore rentré : sa femme rentra dans son appartement, et délivra Emilie de l’ennui de sa compagnie.